L’histoire de valise n°13
La valise pour moi ça a un rapport avec mon passé, avec les gens qui m’ont précédé mais pas avec mon présent.
Ma maman savait très bien faire les valises.
On partait, euh, chaque vacance scolaire, on allait à la maison natale de mon père qui est de Belfort.
On n’avait pas de voiture alors on mettait les valises en bagage accompagnées à la SNCF.
Donc il fallait la préparer à l’avance.
Quand on partait, on n’avait pas de valises avec nous, des valises, elles étaient parties avant nous par les trains
et elles nous attendaient à Belfort.
En général pour les grandes vacances, ma maman en faisait un minimum de sept.
Elle était très, euh… fin j’adorais parce qu’elle faisait tout très bien.
C’est-à-dire tout était bien organisé dans la valise et tout ça et je lui demandais, qui t’a appris à faire la valise ?
Parce que tout était … tous les millimètres étaient optimisés.
Alors elle m’a raconté qu’en fait c'est sa marraine qui lui avait appris à faire des valises.
En fait sa marraine était juive, elle était née à soixante et elle habitait Paris.
Et Pendant la deuxième guerre mondiale, en fait elle a passé son temps à fuir, fuir, fuir.
Ce qu’elle a appris c’est faire la valise vite, très vite et très bien… C’est-à-dire prendre le maximum essentiel.
Donc ma maman avait appris avec sa marraine de faire la valise aussi bien.
Un jour, ma maman m’a proposé de garder la valise que mon père a eu pour partir en Algérie,
j’ai dit non ! je ne veux pas la garder !.
Mon père partait avec cette valise en Algérie, en fait, cette valise c’est tout ce qu’il avait de son territoire
de Belfort, son pays natal. Et il partait dans un pays qui ne connaissait pas… oui, une vie inconnue.
Une vie en temps de guerre puisque c'est la guerre d’Algérie.
Bhé… je suppose que parce que cette valise elle était tellement pleine de… de charge affective,
je n’ai pas voulu la garder. Maintenant je regrette, parce que Mon père est mort, je me dis,
j’aurais dû la garder…
Et c’est d’ailleurs je pense que c'est aussi pour ça que je prends souvent des sacs à dos.
J’ai une valise à la maison, c'est la valise que j’ai utilisée lorsque j’ai quitté Strasbourg pour partir
à Paris pour travailler à la poste. Encore une fois, cette valise, c’est le synonyme de départ, dans le sens de déchirement.
Cette valise-là, je ne l’ai plus jamais utilisée depuis,
elle est au-dessus de mon armoire au-dessus de ma chambre et je pense que je ne vais jamais l’utiliser.
Quand je vois cette valise…
ça me rappelle plein de choses : la valise de mon père, la valise de marraine de ma maman et puis
c'est la valise de ma grand mère…
Puis quand je pense au mot valise… pour plein de raisons je dors mal ..
en France on dit … « avoir des valises » quand on a des lourdes poches sous les yeux
et j'en ai tous les matins des valises (rire).
Frédérique, le 31 octobre 2010. Strasbourg.