Paquetages subtils de Young-hee Hong
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Pour Young-hee hong l’art ne peut surgir qu’à la faveur d’une sorte de confrontation singulière à la fois matérielle
et spirituelle avec le visible. Pour elle, l’œuvre ne saurait être pure idée, elle se doit d’être à la fois expérience
et pensée du réel.
De la matière qu’elle sonde elle attend une réponse d’ordre presqu’initiatique, une sorte de révélation pragmatique;
cette imbrication entre geste et matière n’a d’autre finalité que de tester le monde en vue de sa compréhension
la plus intime et la plus précise que possible ; par ricochet, cette connaissance éclairera le sujet dans son identité.
C’est que l’artiste assigne à l’art une fonction qui ne saurait se réduire à l’utilisation conventionnelle du bronze,
de la pierre ou de la peinture. L’hypothèse qu’elle émet est on ne peut plus exigeante puisqu’elle imagine que
l’expression artistique est susceptible de sourdre de partout, et peut-être justement de là où l’on l’attend le moins,
notamment dans les pratiques simples de la vie ordinaire et avec des éléments insignifiants ( ?) de notre univers
quotidien, comme la collecte, l’empaquetage ou l’agrafage.
Dans Organisation sylvestre, l’artiste coupe à la même taille un grand nombre de branches qu’elle scie encore
en deux, l’une étant dotée d’un tourillon et l’autre d’une cavité correspondance ; elle peint une des deux parties
seulement, laissant l’autre à l’état brut ; elle reconstitue ensuite, très méticuleusement chaque branche en
réunissant les deux parties précédemment séparées. Chaque élément conserve en lui sa nature, son histoire, son
vécu et sa forme unique grâce précisément à cette mise en évidence de la séparation et de l’accumulation.
Unicité que la peinture souligne et étouffe en même temps, en tout cas, métamorphose.
Une autre métamorphose, plus impressionnante encore s’ensuit, qui fait basculer l’ensemble des branches de
son état informe à celui d’œuvre d’art, dont nous savons le statut problématique.
L’art se pose aujourd’hui la question de sa nature ; Young-Hee Hong retourne les termes de la question en
demandant à la nature (et plus généralement au réel) ce qui pourrait être l’art.
Claude Rossignol, critique, professeur d’histoire de l’art à l’ésdas, 2003.