«L’Archéologie de l’ordinaire»
L’évolution du travail artistique de Young-hee Hong reflète une constante exploration
de la notion de lien: le lien comme interface, d’abord,dans ses recherches
plastiques datant des années 1990, où le métaphore de la « Peau » est utilisée pour
rendre compte à la fois de la séparationet du médium entre un être et son environnement.
Le lien comme rassemblement fort des contraires, ensuite, lorsque la matérialité brute du ligotage
ou de la couture unifie de manière visibleet assumée ce qui aurait dû être séparé –comme pour
tenter de résoudre dans une dynamique nouvelle un conflit fondamental.
Le lien plus implicite, enfin, qui est celui créé par l’être humain dans son rapport au
monde et aux autres: l’artiste ne recherche plus tantà matérialiser une union
qu’à donner la possibilité aux autres de créer du lien, du récit, des rencontres.
Le projet Blanchiment, réalisé en 2009 lors de sa résidence à Stuttgart dans le cadre des échanges
internationaux du Ceaac,est le fruit d’une réflexion autour de ce dernier aspect: les participants
sont invités à se débarrasser d’un objet dont ils n’ont plus l’usage, après avoirexpliqué
le lien qu’ils entretenaient avec lui. L’objet est ensuite intégralement couvert de peinture
blanche et trouve place dans une installation éphémère:à la fin de l’exposition, les visiteurs
qui en auront fait la demande acquerront l’objet blanchi sur lequel ils auront jeté leur dévolu.
C’est dans la continuité de cette démarche que s’inscrit «L’Archéologie de l’ordinaire»,
projet qui a été mené en 2010 à Strasbourg. L’objectif étaitde créer une rencontre,
à la fois entre Young-hee Hong et des habitants de la ville et entre ceux-ci et un objet
que l’artiste avait choisi pour son caractèreordinaire: une valise.
Après avoir fait connaissance avec la plasticienne et découvert son atelier,
chacun des trente participants ayant répondu à l’appelse trouvait libre d’improviser un monologue,
c’est-à-dire de créer un lien narratif avec cet objet auquel rien ne le reliait précédemment.
L’enregistrement de ces récits est donc une trace de cette rencontre où l’objet
n’aura eu sa place que par sa nature d’interface: c’est le lien social ainsi
créé et réalisé dans la simple parole qui vaut pour lui-même comme œuvre.
Debora Fischkandl, CEAAC - Strasbourg. 2010