Le refus des chemins tracés
Young-Hee Hong est consciencieuse, précise, attentive. (...). Elle tient compte de la situation
artistique de la Corée, « écartelée (dit-elle) entre les tensions et les tentations de la réalité contemporaine
et sa culture traditionnelle », alors que le pays a connu l’effrayante occupation japonaise, les troubles
de l’après-guerre, l’opposition de la Corée du Nord et de celle du Sud, la différence des deux idéologies
violentes (le communisme rigide et un libéralisme « à outrance »).
Simultanément, Young-Hee Hong met en évidence une fracture personnelle : le refus des chemins tracés,
des modèles proposés ; la fracture provisoire d’un exil choisi, d’un éloignement géographique
et culturel (en Europe). Sans aucun pathos, avec honnêteté et avec rigueur, sa recherche méthodique
part de cette réalité vécue et s’en nourrit.
Elle nous donne à voir de très près des liens dissemblables : des assemblages, des collages, des serrages,
des ligotages, des enlacements, la couture, des agrafages. En particulier, elle emploie les serre-joints,
les sangles. Elle entrecroise et joint des antinomies : le souple et le rigide, le mou et le dur, l’éphémère et le
durable, le fragile et le résistant, le peint et le non-peint, l’artifice et le naturel, le lisse et le rugueux,
l’organique et l’aseptisé, le paysage et le « dépaysagé », le plein et le vide, le plat et le pointu, l’occupé et
le non-occupé, le dehors et le dedans, le déterminé et l’indéterminé, l’inerte et le vivant… Young-Hee Hong
est une artiste solide, lucide, originale.
Gilbert Lascault, écrivain, critique, professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne, Paris 1, 2004.